Tout est parti d’une histoire inventée par Virginia Woolf dans Une chambre à soi. Shakespeare avait une sœur, Judith, immense poétesse, qui n’a pourtant dit-elle, jamais écrit une ligne : « Cette sœur de Shakespeare mourut jeune… hélas, elle n’écrivit jamais le moindre mot.
Or j’ai la conviction que cette poétesse, qui n’a jamais écrit un mot et qui fut enterrée à ce carrefour, vit encore. Elle vit en vous et moi, et en nombre d’autres femmes qui ne sont pas présentes ici ce soir, car elles sont en train de faire la vaisselle et de coucher les enfants.
Mais elle vit ; car les grands poètes ne meurent pas ; ils sont des présences éternelles ; ils attendent seulement l’occasion pour apparaître parmi nous en chair et en os. Cette occasion, il est à présent en votre pouvoir de la donner à la sœur de Shakespeare. »J’ai voulu répondre à son invitation.
J’ai pris contact, aidée d’un complice, avec des femmes que je ne connaissais pas. Une bergère. Une philosophe. Une journaliste. Une institutrice. Une collégienne. Une historienne. Une très vieille dame de 105 ans. Une gynécologue. Une entrepreneuse. Une employée de maison.
Quatorze femmes à qui j’ai demandé de faire le procès-verbal rigoureusement minuté, le plus instantané possible dans le relevé (ne pas recourir au filtre de la mémoire) de 5 à 7 jours consécutifs de leur vie. Horaires, faits, gestes, pensées transversales. Une auto-filature.
Ce matériau est le socle du spectacle auquel je travaille.